Gustave Flaubert: le devoir d'apprendre des sentiments


Je viens de terminer la lecture, pour la troisième fois, de «L'éducation sentimentale» de Gustave Flaubert.


La première fois que je l'ai lu, quand j'avais environ 18 ans, je m'en souviens à peine. Ce dédain s'explique par l'ennui engendré par sa lecture. Je n'ai pas compris ce que disait l'auteur, je n'ai pas pu me situer dans la période historique de l'œuvre, j'ai trouvé Frédéric Moreau insupportable et je n'ai pas compris l'intensité de son amour pour Madame Arnoux. 


Presque 15 ans plus tard, je l'ai lu pour la deuxième fois. L'expérience était meilleure, mais je crains que ce ne soit pas tellement le cas. Je l'ai retrouvé fade et j'ai fini de le lire sous la pression de l'engagement. Cependant, il y a quelques années, j'ai commencé à apprécier Flaubert pour un professeur de littérature que j'avais en France qui était passionné et studieux de son travail.


Il y a quelques mois, j'ai décidé de lui donner cette troisième chance qui conduit supposément à l'expiration. Une semaine après l'avoir acheté, j'ai découvert que l'un de mes youtubeurs de littérature préférés créerait un club de lecture pour étudier ce roman. J'ai reçu la nouvelle comme un signe.


Avant de commencer à le lire, j'ai décidé que je ferais tout mon possible pour éviter les circonstances de mes deux échecs précédents: j'ai lu des critiques et des résumés, j'ai étudié l'époque à laquelle le roman était publié, j'ai vu des vidéos sur Youtube sur la vie de l'auteur. Bref, j'ai eu du mal à me situer au moment du roman.


C'est ainsi que j'en suis venu à découvrir qu'il avait fallu à Flaubert trente ans et une triade de tentatives pour enfin raconter son éducation sentimentale. J'ai aussi appris que l'histoire avait assez de connotations autobiographiques, puisque Flaubert était tombé amoureux à l'âge de 14 ans d'Élisa Schlésinger, une femme mariée et beaucoup plus âgée que lui: très semblable à la très désirée Madame Arnoux.


Le moment historique que décrit Flaubert jette également une lumière éclairante, puisqu'il se déroule en 1848, l'année convulsive où se déroule la Révolution de Février qui conduira à l'instauration de la Seconde République, une période de hauts et de bas politiques qui se termine sous le Second Empire en 1852. Tout au long de l'éducation sentimentale, Frédéric et ses amis idéalistes subissent une série de déceptions idéologiques parce que leurs ambitions ne se concrétisent pas au milieu de tant de tumulte social.


Si tout ce préambule historique a nourri mon envie de lire le roman, je dois avouer que ma nature romantique nourrissait aussi l'illusion de trouver dans ses pages une histoire passionnée qui m'aiderait à retrouver mes espoirs d'amour.


Et c'est effectivement le cas. Depuis que j'ai ouvert ses pages, le roman m'a ébloui. Les descriptions de Flaubert, notamment celles qui font référence à la figure de Madame Arnoux, se vantent d'une beauté de sculpteur: précise, rigoureuse, profonde. Il y a des paragraphes que vous lisez avec un soupir, le plaisir de la plume élégante et sophistiquée de l'auteur.


Cette troisième lecture m'a également mis face à face avec le défi du titre: est-on censé apprendre des sentiments? Qu'est-ce qu'on apprend alors? Peut-être que l'éducation ne peut se faire que par des erreurs et des déceptions? En effet, je pense qu'au final Frédéric apprend beaucoup, et pas malgré mais plutôt grâce à ses frustrations douloureuses.


Ce fut un réel plaisir de relire "Sentimental Education" car il y avait aussi beaucoup que j'ai appris sur la France du XIXe siècle, la vie et le travail de Flaubert, et mes propres sentiments. Je suis sûr que je le relirai bientôt et que je l'apprécierai encore plus quand j'aurai vécu -et ressenti- davantage.


Car s'il y a une leçon qui permet de lire l'éducation sentimentale de Gustave Flaubert, c'est que d'aimer, même quand ça vous détruit, ça vaut la peine.


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